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Sachons distinguer le vrai du faux poète (1ère partie)

14 June, 2011 - Pognon | 1 Comments

Attardons-nous aujourd'hui sur l'évolution des productions de pensées au cours du temps - L'occasion de savourer à sa juste valeur le tracé historique qui nous mène de César à Sarkozy, de Bach à Sylvie Vartan, de Molière à Mouss Diouf, de Balzac à Marc Levy.

Alors bien sûr, on me dira "oui mais tu es de mauvaise foi".

Ce à quoi je répondrai "oui, mais je fais ce que je veux".

Aujourd'hui, plus spécifiquement, profitons du temps maussade et de la jeunesse du jour pour prendre un peu de temps et comparer deux de mes auteurs favoris : Paul Verlaine et Patrick Sebastien (ce dernier ayant déjà été cité plusieurs fois dans ces chroniques, vous vous doutez bien de la vénération que je lui porte).

1/ L'art d'aborder l'onanisme

Il n'est pas aisé de parler avec subtilité et profondeur de la masturbation ; d'emblée le sujet paraît casse-gueule car empreint d'un côté grivois, d'un vulgaire inséparable de sa pratique. On se touche, on se caresse, on se branle et, dans tous les cas, c'est déroutant d'inélégance. Comment alors en parler dans un poème ou une chanson ? La question est épineuse et le jeu de mot douteux.

La version de Verlaine déçoit. Le pauvre y va de façon trop abrupte, directe, et on voit tout de suite là où il veut en venir. On attendait mieux de ce jeune garçon qu'un texte aussi grotesque :

Elle jouait avec sa chatte,
Et c'était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S'ébattre dans l'ombre du soir
("Femme et Chatte")

Le mec essaye de nous faire croire qu'il décrit une scène entre une femme et son petit animal de compagnie mais personne n'est dupe et le charme n'opère pas. Plus d'un siècle plus tard, c'est Patrick Sebastien qui trouvera le ton juste et la formule qui tape pour, enfin, redonner à la pratique solitaire l'élégance qu'on lui cherchait depuis bien longtemps - C'est ce en quoi on différencie un scribouillard d'un vrai poète.

Les filles c'est compliqué
ça veut jamais avant mais après ça veut rester tout le temps
Elles sont comme les piscines
ça coûte bien trop d'argent
pour le peu de temps qu'on passe dedans
Moi pour tenir le coup, puisque je n'suis qu'un homme
pour n'y penser du tout
je mâche des boules de gomme
Je mastique, je mastique, je mastique même devant ma télé
("Je mastique")

Et là, on dit bravo : le coup du Chewing Gum il fallait y penser, et pour le coup il faut plusieurs lectures (ou plusieurs écoutes) pour déceler le double sens subtil de la chanson et perçer le mystère profond de la pensée d'un auteur que certains qualifient de "trop complexe pour être apprécié de son vivant". Je ne suis pas loin d'adhérer à cette analyse.

14 June, 2011 - Pognon | 0 Comments

2/ La compréhension de la nature

Ah, la nature ! La mère-matrice de toutes choses fut, de tout temps, le support de belles lettres et de mélancoliques inflexions dans les voix des promeneurs éclairés - Privilégiés ! Ceux qui savent ressentir le sublime dans sa grandeur et sa violence ! La nature est une et infiniment multiple, elle ne se laisse saisir que par bribes, par éclats, comme un stromboscope de beauté sur la piste de danse de la vie. Putain, que d'émotions !

Alors bien sûr sa cour n'est pas faite que de serviteurs ; ainsi Verlaine, sombrant une fois de plus dans le marasme de ses pensées chaotiques, nous a livré régulièrement des perceptions brouillonnes d'une Nature à laquelle il ne pige visiblement rien. Pour exemple :

Surtout les soirs d'été ; la rougeur du couchant
Se fond dans le gris bleu des brumes qu'elle teinte
D'incendie et de sang ; et l'angélus qui tinte
Au lointain semble un cri plaintif se rapprochant
("Dans les bois")

Mais alors mais le mec, mais n'importe quoi. Bon, déjà, que le type ce soit une demi-lopette qui flippe dès qu'il est dans les bois c'est quand même pas une gloire ; mais en plus, si vous observez bien, les fins de phrases sont régulièrement renvoyées à la ligne suivante, assorties d'une majuscule qui défie toutes les lois de l'orthographe classique. Ajoutons à cela une perception des couleurs franchement douteuses (Le rouge dans le gris bleu, ca devrait faire du violet : vous avez déjà vu une brume violette, vous ?) et les images faciles (le rouge, c'est du sang. Super, ca a pas du tout été suffisamment souligné dans Twilight), et cela vous donnera ce quatrain raté que je m'empresse de corriger ci-dessous :

En été quand la nuit est tombée,
y'a du bleu et du rouge mais pas de violet,
le bleu c'est pas du ciel et le rouge pas du sang,
quand à l'angélus, on s'en fout grave qu'on l'entend.

Mais ne nous fâchons pas avec les auteurs - Parmi eux, certains se chargent de nous réconcilier avec la poésie. Ainsi Patrick (vous permettez que je l'appelle Patrick ?) a su cerner -avec des mots pourtant simples !- la réalité physique et l'organisation du monde naturel. Prenez-donc quelques minutes pour lire attentivement et plusieurs fois le texte qui va suivre :

Les fleurs et les chenilles
c'est en bas
Les étoiles qui brillent
c'est en haut
Les petits vers de terre
c'est en bas
Et les hélicoptères
c'est en haut
("Et la pleine lune")

On peut dire à l'unission "Merci Patrick" : simple, efficace et indiscutable, sa perception de la nature dans sa verticalité est absolument parfaite, universelle et éclairante. Plus jamais je n'essaierai de marcher au plafond, plus jamais on ne m'entendra affirmer avec suffisance "regarde, un ver de terre qui vole !" et, pour aujourd'hui comme pour toujours, je lui en suis reconnaissant.